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L'Europe et la paix
La paix est-elle à l’origine de l’Union européenne ? La chronologie des faits ne plaide pas en ce sens : le traité de l’acier et du charbon fut signé en 1951 et le traité de l’atome en 1957 avec le traité CEE, pour la communauté économique européenne. Pour autant, c’est bien sur les décombres hérités de la Seconde Guerre mondiale que les Etats européens ont voulu construire un continent de libre-échange, donc d’abord de nature économique et dont la paix découle. Et c’est bien là le principal.
Bien entendu, l’Europe aurait peut-être vécu en paix sans l’Union européenne. Ce qui est plus que probable, en revanche, c’est que sans une Europe aussi intégrée, la paix ne se serait pas ancrée dans l’espace et dans le temps avec autant de force et d’espérance. Rappelons-nous les images symboliques de Adenauer et De Gaulle dans la cathédrale de Reims, Willy Brandt s'agenouillant à Varsovie ou encore Mitterrand et Kohl main dans la main à Verdun.
Poursuivre l’œuvre de paix, c’est surtout ne pas oublier d’où l’on vient, ni les secrets qui jalonnent l’histoire. Alors oui, n’oublions jamais qu’un certain mois de juin 1941, Altiero Spinelli et Ernesto Rossi ont rédigé, empreints à de la détermination et à l’espoir pour les générations à venir, le « Manifeste pour une Europe libre et unie », plus connu sous le nom de « Manifeste de Ventotene ». Pour en garder la confidentialité, il a été écrit sur du papier à cigarettes caché dans le faux fond d'une boîte en fer. Convaincus que la paix ne sera possible qu’en dépassant les frontières nationalistes, ils prônaient une fédération européenne.
N’oublions jamais non plus qu’une paix durable est indéfectiblement liée à la diversité des cultures, érigées en Patrimoine commun de l’Humanité, dont le Pacte ROERICH (1935) et la Convention de LA HAYE (1954) devraient être les garants permanents. Il est temps d’admettre que le multiculturalisme représente une chance (l’unique ?), une ouverture, l’avenir même de l’Humanité. L’histoire l’a démontré. L’enseignement joue à ce titre un rôle majeur et, à ce titre, par exemple, la Déclaration universelle des droits de l’homme devrait être étudiée dans toutes les écoles.
L’Europe qui ne sait pas parler d’une seule voix sur la scène internationale devra très vite trouver une solution afin d’être entendue à l’unisson. Pour ce faire, elle doit revoir son modus operandi en fixant son attention sur l’unique intérêt des citoyens européens et en associant enfin ces derniers au plus près dans le processus décisionnel. Il faut nécessairement, dans ce cas, faire abstraction des Etats et des collectivités sub-étatiques.
J.M. PELT et P. RABHI ont aussi rappelé la puissance extraordinaire de la bienveillance et de la coopération, et toute la place que nous devrions leur accorder sur notre continent. L’Union européenne « réinterprète » ainsi, dans cet espace de paix, les frontières et valorise les diversités linguistiques, culturelles et religieuses. Nos différences, sources de conflits hier, forgent désormais notre avenir, notre communauté de destin, pour reprendre E. MORIN. Pour la première fois dans l’histoire, nous pouvons construire une Europe unie, sans guerre ni conflits, dans une synthèse bouillonnante et effervescente.
Les souffrances vécues et subies pendant des siècles sont la matière première mise au service d’une Europe neuve, et nécessairement encore inconnue, afin de ne plus reproduire les errements du passé : une Europe à visage humain, c'est-à-dire solidaire, démocratique et responsable.
L’Europe, hier centre de la Terre, devenue aujourd’hui une Province du monde, doit assurer sa paix intérieure et sa sécurité extérieure, ensemble dans l’intérêt des Etats et de tous ses citoyens.
L’Europe s'est relevé de la Seconde Guerre mondiale comme elle l’a toujours fait par le passé. Elle a indéniablement une propension à la résilience et, depuis la fin du dernier conflit mondial, elle se découvre une évidente capacité, à la fois fragile mais indispensable, à se réinventer. Toutefois, la pérennité de la paix viendra du citoyen qui verra émerger de lui une conscience européenne dont le corolaire naturel et nécessaire sera sa responsabilité assumée dans les débats européens.
Charles Girardin
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